Au cinéma le 20 mars 2019
TROIS CENTS ANS D’HISTOIRE RUSSE
CONTÉS DANS UN MAGISTRAL PLAN-SÉQUENCe
Avec L’Arche russe, sélectionné au Festival de Cannes de 2002 en compétition officielle, le cinéaste Alexandre Sokourov (Mère et fils, Alexandra) embarque le spectateur dans un voyage au coeur de la mémoire russe, au sein du mythique musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg.
Véritable prouesse technique, ce film tourné le 23 décembre 2001 a battu un nombre impressionnant de records : premier long-métrage, non monté, sur un seul écran et en une seule prise ; plus longue séquence de SteadyCam jamais tournée – les deux personnages principaux traversent en tout trente-trois salles sur un parcours d’un kilomètre et demi – ; premier film en haute définition non comprimée, enregistré sur un système de disque dur portable ; près d’un millier d’acteurs et de figurants racontant une histoire narrative se déroulant sur une période de trois cents ans. Alexandre Sokourov prouve ainsi son goût pour l’expérimentation et le travail sur la matière en se livrant à un jeu avec le temps, où le réalisateur s’amuse, au moyen du plan-séquence, à brouiller la temporalité, faisant revivre les époques au gré de ses envies.
L’Arche russe est ainsi un flot d’images, d’émotions et de souvenirs courant sur plus de trois siècles d’histoire russe. Explorant les splendides couloirs et salons de ce qui était alors appelé le palais d’Hiver, le diplomate et le réalisateur sont témoins de scènes de la Russie tsariste où les héros se nomment Pierre le Grand ou Catherine II, mais aussi témoins d’événements ayant marqué l’histoire du musée comme le dernier grand bal impérial de 1913 ou le tragique siège de Leningrad par les nazis.
À travers la rencontre d’un réalisateur russe contemporain et d’un diplomate français du XIXe siècle, ce sont deux visions du monde qui s’entrechoquent, qui ne se comprennent guère – à l’image de ces deux héros qui ont parfois du mal à communiquer entre eux, mais dont la réconciliation passera souvent par l’entremise des tableaux. Car la culture est ici envisagée comme une passerelle entre les peuples, là où finalement réside la fonction première d’un musée : celle d’être une arche salvatrice de la culture, garante de la civilisation.
Profonde réflexion sur l’art, l’histoire et la civilisation, Alexandre Sokourov signe avec L’Arche russe une formidable déclaration d’amour à son pays au passé si riche et au futur si incertain.