Au cinéma le 9 mars en version restaurée inédite dans le cadre de la Rétrospective Akira Kurosawa - Les Années Toho
KUROSAWA DRESSE UN ADMIRABLE PORTRAIT DE FEMME DANS
CETTE FRESQUE POLITIQUE SUR LE JAPON DES ANNÉES 1930-1940
Je ne regrette rien de ma jeunesse est le premier long-métrage que Kurosawa tourne après la fin de la Seconde Guerre mondiale, durant une période de troubles au sein de la Toho – le film est né durant les deux grands conflits syndicaux qu’a subis le studio, contraignant son réalisateur à écrire plusieurs versions du scénario. Cette œuvre, qui retrace sous forme de fresque la résistance de la jeunesse intellectuelle japonaise de 1933 à 1945, s’avère être l’un des rares films ouvertement politiques de Kurosawa. Il s’est pour cela inspiré de deux faits réels : la démission contrainte et forcée d’un professeur d’université pour ses opinions prétendument communistes, et l’affaire Ozaki, un antimilitariste accusé d’être à la solde des Soviétiques. Mais Je ne regrette rien de ma jeunesse est avant tout un incroyable portrait de femme, fait rare dans la carrière de Kurosawa dont l’univers – et surtout les premiers rôles – est essentiellement masculin. Le personnage de Yukie est admirablement interprété par l’immense actrice Setsuko Hara – qui fut notamment la muse d’un autre grand cinéaste japonais, Yasujiro Ozu –, bouleversante dans le rôle d’une femme qui aspire à de plus grands desseins que ceux que la société a à lui offrir. Yukie est une figure féministe avant l’heure dans un pays où le place de la femme est encore loin d’être prépondérante. Mais à travers elle, à travers ses velléités d’émancipation, Kurosawa dresse le portrait en creux du Japon de l’après-guerre : après avoir subi le joug de la dictature militaire et la guerre, il se relève tant bien que mal, armé d’une force morale inébranlable et enfin prêt à faire la paix avec lui-même.