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Deep End

Un film de Jerzy Skolimowski

Adolescent de 15 ans, Mike se rend à son tout premier jour de travail : il vient d’être embauché dans un établissement de bains publics de l’East End londonien. Sur place, sa collègue Susan est chargée de lui présenter les lieux. Le jeune homme est tout de suite attiré par cette jolie rousse plus âgée que lui. Alors qu’il découvre une atmosphère étrange autour de la piscine, Mike doit faire face aux avances d’une cliente échaudée. Peu à peu, Susan joue avec l’inexpérience du garçon, profitant de son admiration candide pour le faire plonger dans une dangereuse spirale de fantasmes et d’obsession…

Comédie dramatique - États-Unis - 1970 - 95 min - Couleurs - 1.85:1 - VOSTF - DCP - 35 mm - Visa n° 39293

  • À propos

    En salles le 13 juillet 2011

    Sous ses apparences de comédie outrancière ou de joyeux bizutage, Deep End dissimule un drame cruel de l’adolescence qui navigue entre thriller psychologique et tragédie romantique. Avec un sens ahurissant de la composition plastique, Jerzy Skolimowski suit la déambulation d’un garçon hanté par l’image d’un amour insaisissable. Cette oeuvre au ton instable est une plongée frénétique dans l’East End, négatif sinistre du Swinging London qui invoque les ambiances de Répulsion (Roman Polanski) ou de Blow-Up (Michelangelo Antonioni). Traversé par la musique des seventies, de la folk-pop de Cat Stevens au rock expérimental du Groupe Can, Deep End est l’un des films emblématiques du cinéma indépendant.

     

    JERZY SKOLIMOWSKI, L’OEIL DU PEINTRE

    Le cinéma de Jerzy Skolimowski ne ressemble à aucun autre, à l’image de cet artiste protéiforme qui se définit aussi bien comme un peintre ou un poète et qui a été boxeur dans une vie précédente. Devant Deep End, on est saisi par l’éclatant équilibre des couleurs et la finesse de la composition picturale. Des murs entiers peints en vert, rouge, jaune, comme chez Jacques Demy. La chevelure rousse de Jane Asher détourée par la neige, on pourrait être chez Douglas Sirk. Et à chaque instant, la puissance visuelle de l’image concentre les émotions contradictoires des personnages, s’attirant ou se repoussant en une abstraction sentimentale.

     

    « Il y a des films sublimes dont on ne peut parler avec personne. Ils échappent
    aux histoires officielles du cinéma, disparaissent pendant des années, avant
    d’être injustement oubliés. Deep End est de ceux-là. Je l’ai aimé tout de suite, et
    il n’a cessé de me hanter depuis que je l’ai découvert. »
    NICOLAS SAADA

    L’ENVERS DES SWINGING SIXTIES

    En donnant le rôle de la « Soho bitch » à Jane Asher, qui est alors la petite amie de Paul McCartney et par extension de toute l’Angleterre branchée, Jerzy Skolimowski saccage les clichés des Swinging Sixties. Pire, il tire de sa retraite la voluptueuse Diana Dors, autrefois appelée « la Marilyn anglaise », et lui fait jouer une scène délirante dans laquelle elle atteint l’orgasme en louant les prodiges de l’attaquant vedette de Manchester United : George Best. Libéré du poids du régime polonais qu’il vient de fuir, Jerzy Skolimowski s’amuse, misatirique, mi-dépité, des libertés prétendues de l’Europe de l’Ouest. Son compatriote et ami Roman Polanski en avait filmé le « dead end » (Cul-de-sac). Le « deep end » de Skolimowski, quant à lui, désigne aussi bien le fond de la piscine que le quartier prolétaire de l’East End, antagoniste décrépi et zone refoulée du Swinging London.

     

    UNE BANDE ORIGINALE CULTE

    « But I might die tonight » (« Je pourrais mourir ce soir »). Portées par le chant rauque de Cat Stevens, ces paroles prophétiques ouvrent Deep End. Si les mots sont de Skolimowski luimême, le lyrisme du célèbre songwriter britannique donne à la métaphore tout son sens juvénile : crier sa rage de vivre en tentant effrontément la mort. Il faut dire qu’en 1969-70, Cat Stevens est une icône pop qui vient de subir une grave crise de tuberculose. Au sommet de sa carrière, il enchaîne les tubes comme Wild World ou Father and Son mais commence en parallèle une quête mystique et contestataire qui le mènera à sa conversion à l’islam en 1977. Plus tard dans le film, l’inoubliable séquence nocturne où Mike traque Susan dans les rues de Soho est électrifiée par le Mother Sky du groupe culte Can. Cette piste lancinante de près de 15 minutes mêle un groove extatique à un rythme endiablé sur lequel se pose la voix emblématique du chanteur Damo Suzuki. Figure phare du krautrock (courant psychédélique d’Allemagne de l’Ouest) et fervent disciple de Stockhausen, Can nous rappelle que Deep End a été en partie tourné à Munich. La dilatation temporelle que suggère le morceau contribue à la mise en scène de Skolimowski qui mélange les repères et pervertit les certitudes. En joignant ces deux pôles du rock des seventies, l’un populaire et l’autre avant-gardiste, la bande originale de Deep End provoque un court-circuit artistique qui peut définir le film : hétéroclite et bouillonnant.

  • Crédits

    Réalisation : Jerzy SKOLIMOWSKI
    Scénario : Jerzy SKOLIMOWSKI, Boleslaw SULIK, Jerzy GRUZA
    Avec : Jane ASHER, John MOULDER-BROWN, Diane DORS, Karl Michael VOGLER, Christopher SANDFORD
    Musique : Cat STEVENS
    Directeur de la photographie : Charly STEINBERGER
    Montage : Barrie VINCE
    Producteurs : Judd BERNARD, Lutz HENGST, Helmut JEDELE

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